Menée par l’inlassable Elmahdi Benabdeljalil, entrepreneur solidaire et acteur associatif, l’association Amal Biladi s’active afin de mobiliser son large réseau de compétences et de partenaires pour mettre en œuvre des projets concrets dans les régions affectées par le séisme. Dans cet entretien, M. Benabdeljalil donne un aperçu des diverses actions de son association.

Un élan de solidarité exceptionnel s’est manifesté au Maroc suite au séisme. Comment votre action visant la reconstruction est-elle déployée dans ce cadre?
L’association “Amal Biladi” travaille notamment avec une entreprise solidaire que j’ai fondée qui s’appelle “l’Académie rurale d’excellence”, avec comme objectif d’accompagner une dynamique entrepreneuriale dans les villages sur cinq secteurs d’activité dont justement l’écoconstruction, importante en cette période difficile de reconstruction après le séisme.

Dans ce sens, nous sommes en train de fédérer un certain nombre d’experts. Aussi, après le séisme, on a rejoint un collectif qui s’appelle “Nous venons de la Terre” qui vient lui-même d’être rejoint par un groupement d’intérêt économique (GIE) qui s’appelle Green Building. Ce collectif fait des choses très intéressantes; je cite entre autres le projet visant à déployer des solutions provisoires de relogement plus efficaces que des tentes, notamment des cabanes, avant de pouvoir financer quelques bâtiments en
écoconstruction.

Concrètement, comment comptez-vous contribuer au relogement des sinistrés du séisme?
L’objectif de l’association «Amal Biladi» est très humble par rapport à la reconstruction après le tremblement de terre. On a identifié quelque sept villages dans les provinces de Taroudant, Chichaoua et Tahanaout.

Dans une première étape, notre souhait avec le collectif “Nous venons de la Terre” est de pouvoir former quelques villages, cinq à six habitants par village pour qu’ils travaillent à la construction desdites cabanes. Ces cabanes sont inspirées des “nouala” traditionnelles mais améliorées grâce à des techniques et une expertise moderne respectueuses de l’environnement. Elles vont être dimensionnées de 15 à 75m2 et vont permettre aux habitants de passer un ou deux hivers sans souci le temps que le grand projet de reconstruction soit lancé. Il s’agit là d’une étape très importante après ce qu’on a initié, à savoir la collecte de tentes, de vêtements, de sacs de couchage et l’opération soutien psychologique. La reconstruction passe par cette étape provisoire. D’autres projets vont voir le jour prochainement.

Des projets à destination des enfants sont également prévus. Pouvez-vous nous en parler?
Au-delà de toutes les initiatives et projets précédemment cités, mon souhait en tant que président de l’association Amal Biladi en concertation avec nos partenaires est de pouvoir participer à la construction, notamment de centres d’activités parascolaires pour les enfants. Il y a beaucoup de traumas, beaucoup de petites qui ont été touchés, heurtés. À Marrakech, il y en a même qui sont devenus muets, qui n’arrivent pas à extérioriser à cause de la force du choc psychologique.

Donc, pour pouvoir faire les choses de manière sereine, si on arrive à avoir les autorisations au niveau du ministère de l’Éducation, on va voir comment financer une école, et même construire une maison d’accueil d’orphelins au niveau d’un ou deux villages. Ceci nécessite tout un processus long et des budgets non-négligeables, outre du temps, de la réflexion et de la concertation avec les administrations concernées.

Vous bénéficiez d’un large réseau de partenaires et de compétences. Comment comptez-vous en tirer profit dans vos projets de reconstruction?
Toujours dans la reconstruction, mon rêve, c’est de pouvoir participer à la reconstruction intégrale d’un seul douar. Nous comptons parmi notre association des experts qui sont exceptionnels. Nous sommes aussi en lien avec des architectes marocains doués, mais également avec des architectes internationaux qui sont à la retraite et qui nous sollicitent pour participer. Nous sommes également en lien avec les étudiants des écoles nationales d’architecture marocaine.

Mon souhait, c’est de pouvoir lancer un concours dans un des villages dans lesquels on va intervenir auprès des enfants qui seront appelés à dessiner leur village. Dans un projet d’accompagnement au développement, on commence ainsi par les enfants.

On leur demandera comment ils rêvent, ils conçoivent leur village dans cinq ans. On va se baser sur cette énergie et sur ce souhait-là qui vont être remis aux architectes. Peut-être même que les architectes participeront à un atelier avec les enfants si on arrive à organiser ce projet pour pouvoir travailler une maquette avec des choses qui vont être nobles, simples et qui vont répondre aux besoins et aux attentes des habitants, non pas aux besoins et attentes de quelqu’un qui veut faire un projet luxueux ou fantaisiste. Et j’espère que ce rêve va se réaliser et je suis en train de travailler pour qu’il se réalise, en train d’identifier un certain nombre de relais et de levées de fonds ici au Maroc et à l’étranger pour qu’on puisse lancer ce projet-là au profit d’un village de 40 à 50 foyers.

Dans quelle mesure l’action de votre association est-elle coordonnée avec les autorités et acteurs concernés?
Pour ce qui est de la concertation, il est évident qu’on ne prend aucune initiative sans avoir fait un premier pas envers les autorités des territoires concernés. Donc, on a informé les différents responsables du territoire, c’est-à-dire l’administration territoriale du ministère de l’Intérieur en leur disant voilà ce qu’on souhaite faire en quatre étapes: la distribution de vêtements qui sont en train d’arriver de l’étranger. Théoriquement, on devrait les recevoir d’ici une ou deux semaines. Le soutien psychologique, on a de très belles initiatives qu’on va lancer. Et enfin la reconstruction. Ainsi, on est en train d’identifier des acteurs sur le terrain qui sont connus, respectés, qui vont pouvoir nous aider à déployer tous ces projets.

Vous êtes avant tout un homme de terrain. Justement, quelles sont les contraintes rencontrées et comment comptez-vous les surmonter?
En ce qui concerne les contraintes rencontrées, très sincèrement la contrainte principale, c’est de pouvoir identifier les bons villages, ce qu’on est en train de faire, les bonnes informations, ce qu’on essaye de faire remonter et les villages où il y a un accès facile pour pouvoir nous permettre d’avancer dans les quatre étapes qu’on souhaite déployer